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Quand j’écris une présentation, j’en suis souvent réduit à rédiger sur le but d’une présentation plus que sur ma personne. Si ça n’en est que plus ennuyeux pour vous et qu’il faut alors à mon malheureux lecteur décrypter mon langage pour y déterminer les traits de ma personnalité, c’est en tout cas avec une plus grande aisance que j’exécute cet exercice. Plutôt que de répondre à un pourquoi, je vais essayer de résoudre le mystère de mon identité en m’essayant à un texte le plus succinct possible. J’en dirai trop ou pas assez, et vous vous contenterez de toute façon du nécessaire. Souhaiter la bienvenue à un individu est plus une formalité qu’une envie, et c’est régulièrement abandonné de tout désir de connaître autrui qu’on vient consulter cette introduction à la communauté. Pour s’intégrer, cependant, je crois qu’il est préférable de m’appliquer.
Je ne vous permettrai pas de m’accuser de divaguer ! D’abord, ce serait suggérer que j’eusse parlé d’autre chose avant, ce qui est faux. Ensuite, ce serait se méprendre sur l’utilité de mon discours. Maintenant que l’alcool de cet amuse-bouche a eu l’effet escompté sur l’assemblée et que chacun est dans une somnolence relative, je peux me permettre d’engager les propos qu’il me plaît sans craindre d’eux tout jugement qui n’aurait su être mieux fondé qu’il le sera après avoir lu ce préambule soporifique !
Miroir, qui suis-je ? Derrière une carapace, il y a un être. Quand on enlève sa coquille à un animal, sa chair si vulnérable, son corps si frêle sont exposés aux crocs empoisonnés de la plèbe. Comme les mots me dissocient de mon enveloppe et que c’est cet être tout nu qu’ici je serai, c’est ce même pauvre animal que je vais vous présenter. Nul besoin de connaître un masque ; il serait plus dommage de méconnaître la vérité. On m’appelle Aaron, donc, un jeune homme âgé de dix-sept ans qui entame sa dernière année d’études littéraires lycéennes qu’il espère couronner –ou qu’on les couronne pour lui, si l’on peut !- du succès des victoires napoléoniennes. Auréolé de cette gloire esquissée, de ce rêve qu’il enterrera sans doute comme une velléité qu’on maudit pour n’être pas devenue une réalité, je me présente à vous. Auguste génie manqué aux ambitions auxquelles les capacités font défaut, créature inachevée, délaissée par son pygmalion et en quête d’un ersatz à ce forgeur de désespoir, pour me venger, j’ai décidé d’être artiste également ! Parisien gangréné jusqu’à la moelle par cette monstrueuse cité, j’ai décidé de faire de ma passion une vocation et de consacrer mon existence à l’Art pour connaître en cela mon apothéose que je ne saurais trouver ailleurs. Les idées et les chimères forment mon monde, et je n’interdis mes faveurs à aucun art. J’écris beaucoup, notamment.
Certaines choses, en revanche, trouvent dans mes regards le mépris le plus exacerbé. J’ai un dégoût viscéral pour les futilités haineuses comme le racisme, la discrimination, l’homophobie. Mais, je modère ma colère à l’égard de ceux qui en sont épris pour ne pas craindre de n’avoir qu’une valeur égale à la leur. Vous devez n’avoir pas compris grand-chose ce que je suis, mais si cela peut vous assurer, je connais aussi la saveur de plaisirs simples qui constituent ma vie ainsi que celle de tout adolescent : le chocolat, sortir avec des amis, le cinéma –même si c’est évident d’après le contenu du paragraphe précédent-, les fêtes… Oh, j’y songe seulement, vous vous interrogerez peut-être sur l’origine de mon pseudonyme. Alors, ne vous torturez plus les méandres de votre esprit, je n’ai moi-même pas la réponse. C’est un pseudonyme qui m’est apparu comme une évidence, une étincelle d’inspiration
ex-nihilo que j’ai réussi à saisir et à arracher au monde des pensées pour la rendre palpable. Un secret de mon inconscient, sans doute, puisqu’il paraît que créer à partir du néant est impossible… Ou presque, alors.
Ca y est, je l’ai fait. Je me suis présenté. C’est une lourde tâche, si délicate à aborder. Décelez l’ironie dans ma phrase pour ne pas vous tromper sur mes intentions dans celle-ci. Je ne sais pas si cela parviendra à vous satisfaire, et je ne suis pas même sûr en fait qu’elle me convienne. Mais, elle est faite.
Et c’est très bien comme ça.